Savez-vous combien de déportés charentais sont passés par le camp de concentration de Dora ? 76 personnes sur les 9 000 déportés français qui ont travaillé dans ce camp méconnu. Il y a 80 ans naissait ce camp. Pour se souvenir de ce triste anniversaire, la Fondation pour la mémoire de la déportation a invité les collégiens et lycéens à diverses manifestations le jeudi 19 octobre (pour Angoulême et environs) et le 20 octobre (pour Cognac et environs).
Le lycée Louis Delage a inscrit dans ce projet toutes les classes de première et la classe de PAPS*.
Nous devions aller au lycée Jean Monnet le matin pour un hommage solennel mais suite aux mesures de sécurité après le triste assassinat de Dominique Bernard (professeur de français poignardé à Arras le 13 octobre), cela a été reporté en avril 2024.
L'après-midi, nous sommes allés au théâtre de l'Avant-Scène.
Laurent Thiery, historien, a donné une rapide conférence pour faire connaître le quotidien des déportés dans l'enfer de Dora et pourquoi ce camp a été si méconnu du grand public alors que 60 000 personnes y ont travaillé et plus de la moitié y ont péri.
Aller sur la Lune en juillet 1969 était une sacrée conquête ! Cela a pu se faire en particulier grâce à Wernher Von Braun, scientifique allemand… ancien nazi et SS, blanchi par les USA pour ses compétences. Du coup, les archives de ce camp n'ont été ouvertes qu'en 1990 ! Dora était un nom de code (le nom d'une ferme à proximité).
Ce même homme, honoré outre-manche est celui de la conception des fusées meurtrières V2 qui ont notamment servies à bombarder Londres. Pour construire ces armes de guerre, il fallait de la main-d'œuvre…. Pendant les 8 premiers mois, les déportés seront logés sur place, directement dans le tunnel, sans eau, sans lumière. La violence est permanente…
Georges Villard est le dernier déporté vivant de ce camp. Il avait juste 18 ans à son arrestation. Il est venu le jeudi mais était trop fatigué pour venir le vendredi. A 99 ans, il peut encore témoigner de l'horreur de ce qu'il a vécu. A défaut de l'avoir rencontré en personne, nous avons pu visionner une vidéo. Pour lui, « il n'y a qu'une chose qui tient, c'est le moral ». Alors qu'il aurait pu mourir plusieurs fois (on lui a même inoculé le typhus), il s'étonne : « la mort n'a pas voulu de moi » dit-il avec simplicité.
Dans un 2e temps, Jean-Pierre Thiercelin nous a lu (de manière théâtralisée) quelques extraits de sa pièce « De l'Enfer à la Lune » qui retrace l'histoire des déportés et en particulier son propre père, rescapé du camp. Marqués à jamais, les survivants ont très peu parlé. En s'appuyant sur les archives, le travail des historiens et les témoignages, le fils a mis en scène son père Robert et d'autres survivants qui tentent de vivre le présent sans oublier le passé… et transmettre aux jeunes générations cet héritage afin qu'à leur tour, elles puissent prolonger ce travail de mémoire indispensable pour ne pas reproduire l'indicible.
Puis ce fut au tour de Robin Walter, jeune dessinateur et scénariste de BD depuis 12 ans. Petit-fils de déporté, il nous a raconté la genèse de sa BD « KZ Dora ». Son grand-père, Pierre Walter a consigné dès sa sortie du camp de Dora toute son histoire mais n'a réussi à ressortir ses carnets et à les partager à sa famille qu'en 1999 ! Pour Robin, ce fut une « immense claque » et un sentiment de profonde injustice : presque personne n'avait parlé de ce camp… Il lui fallait raconter cette histoire en BD. Il s'est posé beaucoup de questions : sur ce sujet très sensible, n'était-il pas trop jeune ? Avait-il la légitimité pour ce projet ? Avec son père et grand-père, ils ont entrepris plusieurs voyages en Allemagne, sur les lieux et à la rencontre des acteurs de l'époque.
Une exposition retrace cette histoire. Elle sera au CDI dans quelques mois.
La pièce de théâtre et la BD sont disponibles au CDI.
Afin de prolonger ce travail de mémoire, une sortie à Oradour-sur-Glane est prévue en décembre.
*PAPS : Pôle d'accompagnement à la persévérance scolaire.